Je vous propose aujourd'hui un article de David Münch Alonso, professeur de Qi Gong à Paris.
Formé à l'école du Quimetao (Docteur Jian Liujun), il continue d'enrichir sa pratique auprès de professeurs reconnus.
Plus tôt dans sa vie, il a pratiqué la danse classique et moderne, le yoga, et la méditation Vipassana.
Le Qi Gong —
prononcer Tchi (énergie) Kong (pratiques) —
est un art énergétique venu de Chine.
C'est un art millénaire
apparu dans l'antiquité et imprégné de la culture Taoïste, dont le
maître fondateur est Lao Tseu (Ve siècle avant JC).
Ce
dernier est l'auteur du « Tao Te King » dont voici un
extrait :
On pétrit l'argile pour
en faire un vase,
Mais sans le vide interne
Quel usage en ferait-on ?
L'être crée des
phénomènes
Que seul le vide permet
d'utiliser.
Le Qi Gong ne peut pas
être assimilé sans une connaissance de la cosmologie chinoise où
la théorie du Yin et du Yang, ainsi que celle des 5 éléments sont
incontournables.
Le Yin et le Yang sont les
deux forces opposées et pourtant complémentaires de l'univers. Leur
interaction est à l'origine de toute manifestation, notamment
humaine : le corps matériel pour le Yin, et la conscience sous
toutes ses formes pour le Yang.
Le Yin renvoie à la terre, l'eau, la
lune, l'ombre, l'immobilité féconde, etc.
Le Yang est associé à
l'air, le feu, le soleil, la chaleur, l'action, etc.
Les 5 éléments sont
l'eau, le bois, le feu, la terre et le métal. A chacun de ces
éléments correspondent des mouvements internes de l'énergie.
Ainsi
par exemple, l'eau descend et humecte ; elle a tout
naturellement des affinités avec les reins. Le feu, élément du
cœur, monte, rayonne et réchauffe.
Les 5 éléments se produisent
et se contrôlent mutuellement, ce qui fait dire que la médecine
chinoise participe d'une vision holistique, globale et non
segmentaire.
Le Qi Gong se pratique
debout dans une attitude détachée et peut être vu comme une
méditation en mouvement. Cette méditation ne consiste pas à
chasser les pensées et les émotions qui se présentent à l'esprit.
Matraquer ce qui se présente à soi reviendrait à le renforcer.
La méditation du Qi Gong
est pragmatique et revient à détendre le corps et à fluidifier sa
respiration pour apaiser la matière la plus subtile et la plus
volatile du corps, le mental.
Les gestes comme les
déplacements contiennent un subtil arrondi et ne sont pas vécus sur
un mode musculaire.
Faire un pas devant soi
revient à relâcher le poids vers l'avant dans une conscience
verticale du corps qui prévient l'affaissement du squelette.
Faire un pas devant soi
n'est plus l'avancée d'une jambe par le jeu des contractions
musculaires.
Cette différence de point de vue désactive légèrement
la force volitive de l'Homme concentrée dans le haut du corps,
c'est-à-dire au-dessus du diaphragme.
La respiration se ralentit
et devient plus profonde ; le cœur prend ses aises ; le
cerveau, moins sollicité, passe le relais au cervelet, plus
archaïque, moins épris de fonctions logiques telles que la
division, l'opposition, la préhension, le rejet ou encore le temps
linéaire.
En diminuant le recours à
la force musculaire (le bras armé de l’ego), des tensions
décennales dans les mâchoires et les épaules vont se révéler à
l'esprit et peu à peu lâcher. Avec leur disparition, le centre de
gravité de l'Homme va descendre et rejoindre le bas-ventre. Les
flammes du cœur vont descendre réchauffer l'eau des reins qui en
retour diffusent vers le haut une brume rafraîchissante.
Il existe des milliers
d'enchaînements de Qi Gong. On peut facilement s'y perdre et
s'étourdir dans la multitude des formes à disposition. Certains
enchaînements, tels que le Ma Wang Dui, remontent à presque 3000
années avant notre ère.
Les Hommes ne disposaient que d'une
connaissance rudimentaire des plantes pour se soigner. Mais des êtres
exceptionnels, peut-être des sages, ont découvert grâce à une
écoute d'une finesse inouïe que la peau était parcourue de lignes
ou méridiens le long desquels l'énergie créatrice de toute chose,
génératrice de toute fonction métabolique, circulait. Ces
courants, très en surface aux extrémités des membres, s'enfoncent
en se rapprochant du buste et viennent nourrir les organes et
entrailles.
Souvent, les mouvements du
Qi Gong s'inspirent de ces tracés dans le but de réguler le
méridien d'un organe en particulier. Réguler au sens d'activer la
circulation et de disperser les blocages.
Il est ainsi des
mouvements pour faire descendre l'énergie en excès des poumons et
la distribuer au gros intestin qui en manque. D'autres pour
harmoniser le double mouvement de l'énergie du système digestif :
la descente pour l'estomac, la montée pour la rate et le pancréas.
Et aussi des mouvements pour mettre en circulation l'énergie des
reins avec comme effets de relâcher les lombes, de nourrir les os et
les moelles.
Le Qi Gong est donc tout à
la fois une gymnastique pour assouplir les articulations, une
pratique de santé permettant d'harmoniser et de renforcer l'énergie,
une méditation en mouvement pour des personnes peu inclines à
s'asseoir en silence.
En tant que professeur,
j'insiste sur la recherche de « l'attitude juste » aussi
bien dans la posture statique de l'arbre que lors des mouvements.
L'importance que je donne à la conscience corporelle évite de
recourir avec excès aux visualisations et autres constructions
mentales ; ces dernières sont utiles, notamment pour accroître
l'effet thérapeutique d'un mouvement, mais pour les personnes
intellectuelles ou très émotives, il est facile de tomber dans le
piège des pensées magiques, c'est-à-dire de l'imaginaire qui
déconnecte des réalités physiologiques et du bon sens.
La posture de l'arbre
permet de faire descendre le centre vital de la poitrine (ego) au
bas-ventre (inconscient, centre originel).
Le relâchement du bas du
corps, sous la ligne du nombril, enracine le pratiquant.
La détente
des épaules, posée sur la cage thoracique, conjointement à
l'alignement vertical des cervicales vide le haut du corps de ses
tiraillements émotionnels.
L'attitude juste dirige
l'ensemble des forces de l'individu dans son Dan Tien inférieur,
« hara » en japonais, situé à 4 cm sous le nombril, et
de la taille d'un poing à l'intérieur de l'abdomen. Ainsi relâché,
le corps est stable et droit. La tête se rafraîchit, mais les
lombes, les pieds se réchauffent du fait de l'intensification de la
circulation sanguine dans l'abdomen.
La verticalité en Qi Gong
s'obtient en prenant le contre-pied du réflexe occidental :
sortir la poitrine, rentrer le ventre. Se déconditionner prend du
temps et va de pair avec une respiration naturelle.
Vouloir placer
l'inspiration sur tous les mouvements ascendants ou d'ouverture de la
cage thoracique, l'expiration sur la descente du corps ou son
resserrement est une approche trop volontaire qui souvent bloque les
souffles intérieurs. Je préconise davantage une observation neutre
des mouvements intérieurs.
En développant sa
sensibilité, on s'aperçoit qu'à l'expir, l'énergie tirée de
l'air descend dans le bas-ventre. Ainsi comprise, la respiration
remplit le bas-ventre de force au lieu de la laisser sortir avec
l'air rejeté. L'expir s'allonge et vient élargir la base du tronc,
l'inspir se raccourcit et l'on y prête moins d'attention.
L'inspir
monte comme une fusée à partir des reins; l'expir nous plonge
dans une trajectoire interne spiralée plus ou moins resserrée
(parachute ou foret d'une perceuse conduisant le Qi au bas-ventre).
Cette vision du souffle se retrouve en méditation zazen ; elle
met l'accent sur les échanges énergétiques plutôt que
pulmonaires.
Les mouvements du Qi Gong étant lents, il serait vain
et même contre-productif de forcer le souffle.
Comme dans mes cours,
l'attention se porte majoritairement sur l'étirement de la colonne
vertébrale et le relâchement du bas-ventre, je propose sur chaque
séance un exercice de respiration Taoïste ou Ayurvédique :
Les sons
thérapeutiques (Ex : le son A pour réguler poumons et cœur).
Respiration avec
l'attention portée sur la souplesse du diaphragme et sa descente à
l'inspiration.
Respiration de la
forge avec l'attention portée sur un expir énergique pour dissiper
les blocages du ventre, accroître le feu digestif, rejeter les
impuretés des poumons.